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So Vietnam
17 mai 2013

Bosser au Vietnam

Il est temps que je reparle un peu de boulot, parce que j'y passe quand meme une cinquentaine d'heures par semaine sans compter mes projets annexes.

La semaine de travail par ici est a deux vitesses : une semaine de 6 jours avec des journees de 8 a 9 heures pour les gens mal payes (ouvriers, vendeurs, metiers d'hotellerie restauration, 80% des gens en fait) et une semaine de 5 jours avec des journees de 8 a 9 heures pour les employes de bureau. Moi je fais des journees de 9 heures (pas de bol), et assez souvent des soirees soit networking soit avec des clients, ou simplement avec mes patrons et collegues.

Je dis "mes patrons" parce que comme souvent ici, l'entreprise est une joint venture, donc il y a un general director japonais et un chairman vietnamien. C'est tres difficile et cher de monter une boite 100% etrangere ici, meme si ca s'ouvre progressivement. Les entreprises etrangeres ont le plus souvent juste un bureau de representation ou sont en joint venture. Seules les tres grosses boites ou les entreprises de la zone ASEA negocient des licences en direct.

Le Smic a pas mal progresse par ici ces dernieres annees, il est aux environs de 100 dollars maintenant dans les zones urbaines (moins a la campagne). Les vendeurs dans les magasins un peu classe gagnent 150 dollars, les employes de bureau qui ont fait des etudes environ 300 dollars, les cadres a partir de 500 mais ca peut monter assez vite. Apparement je dois recruter une assistante pour moi ces jours prochains, on m'a dit qu'elle sera payee 300 dollars. C'est sur que c'est pas la ruine.

ils recrutent les gens avec une legerete deconcertante pour un francais dans ma boite. Ils me laissent totalement libre de prendre qui je veux, a partir de n'importe quelle date, et ne demandent meme pas a voir le candidat. Vu le niveau des salaires et des charges, ca se comprend. Evidemment, c'est a double tranchant et nous sommes au coeur du debat fondamental de l'economie. Mon colloc est en train de monter une affaire avec presque pas d'argent, il ne l'envisagerait meme pas en France. D'un autre cote, nous profitons de cette difference enorme de niveau de vie grace a la justification classique qui est tres pratique : nous donnons du travail au gens et nous participons au developpement du pays. La verite est que nous exploitons les anomalies de la mondialisation, mais il est vrai aussi que le pays se developpe et que tres concretement des gens sortent de la pauvrete. La reponse est probablement, en tant qu'etrangers "riches" de payer les gens au dessus des prix du marche pour reellement participer a ce que nous pretendons faire, en tirant les prix vers le haut. Les entreprises etrangeres a fort besoin en main d'oeuvre sont plutot la pour maintenir la pression vers le bas.

Tous comptes faits, la facilite apparente d'ici, le fait de pouvoir trouver un travail mal paye relativement facilement et de pouvoir creer des activites, embaucher etc. cree une dynamique qui repose de l'ambiance depressive francaise. Bien sur, j'ai le beau role ici, avec mon education et mon statut d'expatrie. Une majorite de gens triment comme des anes pour reussir a vivre correctement, ont un deuxieme petit boulot en rentrant de leur journee de travail.

Mais le vrai probleme, c'est que nous leur avons apporte notre plus grand "progres" : la passion de la consommation. Donc des gens qui gagnent 150 dollars par mois vont se saigner pour avoir une super moto neuve a 2000 ou 3000 dollars, et un smart phone a 500 dollars. Ils sont tout entiers tendus vers ces objectifs mirifiques, et deploient tout ce qu'ils peuvent d'astuce et de travail en permanence pour gagner quelques dollars de plus. Surtout a Saigon, c'est cet espoir qui fait tourner la terre, vivre les gens (surtout les jeunes, qui sont une majorite ecrasante), a un point affolant. Pour les 30-50 ans, l'objectif principal est d'acquerir les oripeaux de la vie de riche : grosse voiture, villa avec gros escalier (tres important) ou appartement dans un building, vetements de marque europeenne, etc. Le principal etant dans l'attitude pour les plus beaufs d'entre eux : sortir toute sa liasse de billet pour payer, laisser des gros pourboires, parler et rire tres fort, appeler les gens "em" (sorte de pronom pour s'adresser a des gens plus jeunes normalement). Il y a quelques caricatures vraiment extremes parmi les nouveaux riches par ici, par ces attitudes et par leurs gouts kitchissimes (des trucs vraiments incroyables, des villas a colonnes en marbre, des dorures, des fontaines greco-vietnamiennes dans les entrees...).

Bref, je suis a la fois tente de penser que l'argent tient un peu lieu de culture dans ce pays abime par son histoire, et a la fois je constate en permanence la force de la culture vietnamienne qui resistes admirablement a l'ouverture : si vous voulez faire du business ici il faut se plier aux regles, aux pratiques et a la facon de travailler locales, meme pour les plus grosses multinationales, parce que l'inverse n'arrivera pas ! Pareil pour la nourriture, les gouts et les loisirs, la grosse machine occidentale ne penetre pas si vite que ca la vie vietnamienne.

 

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